CommémorAction

Cérémonie du souvenir privée à la plage de Tanger, 6 février 2023. Source: Alarm Phone

1 Introduction

Le 6 février 2014, au moins 15 personnes ont été tuées lorsque la Guardia Civil espagnole a ouvert le feu sur un groupe qui tentait d’atteindre l’Europe en nageant autour de la clôture frontalière de Ceuta. Le massacre est connu comme le massacre de Tarajal. Il ne s’agissait pas du premier massacre de masse commis par les autorités dans le but d’empêcher des personnes de traverser les frontières sans permission officielle. C’était aussi loin d’être la dernière. Avec les communautés affectées, nous sommes encore sous le choc des massacres du 24 juin dernier, lorsque les forces marocaines et espagnoles ont tué au moins 37 personnes à la clôture frontalière de l’enclave espagnole de Melilla. Des centaines de personnes sont portées disparues, et un nombre indéterminé de corps a été enterré anonymement par les autorités marocaines. Au lieu d’enquêter et de poursuivre en justice les responsables de cet homicide, ou même de repenser leur politique inhumaine en matière de frontières, les autorités ont choisi d’envoyer 87 victimes en prison sous prétexte qu’elles étaient responsables de ces décès.

Ces massacres très médiatisés ne sont que quelques-uns des décès les plus notoires à la frontière. Ils ne sont en aucun cas une exception. L’Union européenne a militarisé et externalisé ses frontières pour tenter d’empêcher  celles et ceux qu’elle considère indignes du droit à la libre circulation de venir en Europe. Les personnes visées sont celles considérées comme « l’autre » dans l’imagination des dirigeant.es européen.ne.s. Ce n’est rien d’autre que du racisme dans sa forme la plus grossière. Les frontières tuent tous les jours. Chaque fois que quelqu’un choisit d’embarquer pour les Canaries dans un bateau surchargé et inadapté dans l’espoir de se faire une vie en Europe, une vie est mise en danger. Elle est menacée par la politique frontalière de l’Espagne et de l’Union européenne. Pour les «dirigeant.es» européen.ne.s, la richesse peut être et est extraite de votre communauté, mais vous n’avez pas le droit de suivre cette richesse et de construire une vie pour vous-même parmi la richesse pillée de votre communauté et des communautés d’innombrables autres personnes.

La traversée de l’Atlantique est peut-être l’itinéraire le plus meurtrier vers l’Europe, mais il n’existe pas d’itinéraire sûr pour celles et ceux à qui l’on refuse systématiquement un visa. Ces rapports sont maintenant dans une litanie sans cesse croissante de décès. En raison du massacre de Tarajal, le 6 février est devenu une journée internationale de commémoration et d’action, Commémor’Action, pour celles et ceux qui ont été tué.es par les politiques frontalières des pays riches.

Commémor’Action est une «arme des faibles». C’est une manière de dire que ces vies comptent, que ces futurs comptent, que chaque individu compte, et quand il ou elle meurt, nous pleurons. C’est une tentative d’intervenir dans l’espace public, de rendre visible la frontière et sa réalité meurtrière. Chaque fois qu’une autre vie, un.e autre ami.e, est perdue à cause du régime frontalier, les gens se rassemblent pour commémorer cette perte. Marquer cette mort est important. C’est aussi ça Commémor’Action. Inspiré.es en partie par Chamseddine et le cimetière des Inconnus de Zarzis, lorsqu’un corps inconnu est emporté à la morgue ou emporté par les eaux, les militant.es vont chercher le corps. Si la personne peut être reconnue, iels en informent la famille. Lorsque cela n’est pas possible, le corps est inhumé dans la dignité. C’est une pratique qui se produit dans toute la région, tant du côté européen qu’africain. C’est aussi ça Commémor’Action.

Bien que le coeur de notre travail consiste à gérer une ligne d’assistance téléphonique 24 heures sur 24 pour témoigner de la frontière maritime et soutenir les gens afin que leurs droits soient respectés, notre projet en lui-même est une œuvre de Commémor’Action. Alors que les autorités européennes durcissent le ton et ignorent les appels à l’aide, nous devenons de plus en plus un projet qui documente et commémore chaque mort. Nous le faisons pour que, lorsque ce régime frontalier sera terminé, personne ne puisse dire qu’il ne le savait pas. Plus important encore, nous le faisons parce que nous le savons déjà. Face à l’injustice, il faut agir. Le strict minimum est de commémorer les morts, d’exiger que les responsables rendent des comptes et que des mesures soient prises pour empêcher que l’injustice ne se répète.

La violence perpétrée par le régime frontalier est un crime à grande échelle. Nous n’avons pas le pouvoir d’ordonner l’arrêt des tueries. Nous avons le pouvoir de le rendre visible. Les frontières, comme on le sait, sont partout, mais leurs effets sont cachés. Les frontières sont cachées non pas parce qu’elles ne sont pas visibles, mais parce qu’il y a un refus délibéré de s’engager dans ce qui se trouve devant nous. Le 6 février, des personnes se sont rassemblées pour mettre en lumière la violence de la frontière et commémorer les mort.es.

Dans ce rapport, nous documentons ce qui s’est passé lors de certaines actions commémoratives dans la région de la Méditerranée occidentale et de l’Atlantique. Nous avons également fait de la place dans le rapport aux voix de celles et ceux qui ont vu leurs proches tué.es par la frontière. De cette façon, nous espérons faire de ce rapport une Commémor’Action. Pour l’instant, la douleur est trop souvent uniquement privée ; pour que les choses changent, elle doit devenir publique. Que la mémoire de celles et ceux qui sont mort.es soit pour une bénédiction.

Une note sur le thème et la terminologie

Alarm Phone est un réseau d’activistes bénévoles. L’essentiel des membres d’Alarm Phone dans la région Méditerranée occidentale et Atlantique sont originaires d’Afrique de l’Ouest ou d’Europe. Par conséquent, nous sommes beaucoup plus intégré.es dans les communautés de personnes en déplacement des pays d’Afrique de l’Ouest que nous ne le sommes dans les communautés Harraga du Maghreb. Cela conduit inévitablement à une sous-représentation des expériences de ce dernier groupe. La seule façon de corriger ce problème est d’étendre ce que nous faisons et de travailler à la construction d’une communauté de résistance véritablement transnationale. C’est un travail lent et laborieux, mais nous sommes déterminé.es à le faire.

Le langage que nous utilisons est important. Les mots que nous utilisons ont aussi le poids de leur histoire, et c’est une histoire de pouvoir. Nous avons constamment du mal à voir le monde correctement et à trouver la bonne description de ce que nous voyons. Il n’y a pas de point de vue unique qui englobe tout. Pour voir le monde correctement, il nous faut une vue kaléidoscopique. Ce rapport est une entreprise collective. Beaucoup d’auteurs et d’autrices n’écrivent pas dans leur langue maternelle, et la plupart des témoignages sont aussi donnés dans une deuxième ou une troisième langue. Nous considérons cela comme une force. Nous ne voulons pas régenter le langage utilisé dans nos descriptions des personnes et de leurs origines. Quand quelqu’un.e peut rechigner à «sub-saharien.ne» comme impliquant l’infériorité et préférer «noir.e» ou «noir.es africain.es», un.e autre peut rejeter la racialisation implicite dans ces derniers termes. De même, certain.es d’entre nous évitent de parler de «migrant.es» et préfèrent mettre l’accent sur la personnalité avec des «personnes en mouvement», mais pour d’autres d’entre nous cette langue est compliquée et contre nature et il y a la fierté d’être des migrant.es. Nous avons laissé, autant que possible, les différents choix de description des auteurs et autrices, en particulier lorsque l’auteur/autrice est elle-même une personne en mouvement.

2 CommémorActions

“Le 6 février 2014 a vraiment été un jour marquant. Beaucoup de personnes ont perdu la vie, beaucoup de familles ont perdu leurs enfants, beaucoup de femmes ont perdu leurs maris, beaucoup d’enfants ont perdu leurs pères. Cette journée a été très importante pour tous les migrant.es et toutes les personnes qui traversent dans des contextes très difficiles, que ce soit au niveau des fronts terrestres, au niveau des grillages, ou au niveau de la mer, de la Méditerranée ou de l’Atlantique. Cette journée du 6 février a poussé toutes les personnes, les migrant.es et les militant.es qui sont partout dans le monde, à créer à partir de ce jour un monument historique pour tous les migrants disparus. Nous payons hommage à ceux qui ont perdu leur vie. Il est également important pour tous ceux qui ont perdu des frères et sœurs de rester forts, encouragés et motivés. Continuons dans les mêmes lancées, dans les mêmes luttes, en espérant qu’un jour, peut-être, les choses changeront.” (activiste locale d’AP).

Le nombre de commémorations qui ont eu lieu cette année est vraiment impressionnant, avec plus de 40 actions à peu près à la même date. Pour diffuser l’idée, Alarm Phone a publié une vidéo puissante qui capture des moments de commémorations précédentes et est disponible sous-titré en anglais, en français ou en espagnol.

2.1 CommémorActions sur la route de l’Atlantique

La route de l’Atlantique est connue comme l’une des routes migratoires les plus meurtrières au monde. Selon les statistiques officielles du projet de l’OIM Missing Migrants Project, 559 personnes sont mortes ou ont disparu sur la route de l’Atlantique en 2022, ce qui représente 8% de tous les décès enregistrés par le projet dans le monde. Et encore, le Missing Migrant project estime que le nombre de décès non déclarés doit être beaucoup plus élevé. L’ONG Caminando Fronteras a dénombré 1 784 personnes mortes ou portées disparues sur la route de l’Atlantique en 2022. Rien qu’au cours de la deuxième semaine de février 2023, une centaine de personnes ont perdu la vie (voir la rubrique 6 : Personnes décédées ou portées disparues). Plusieurs bateaux soutenus par Alarm Phone ces derniers mois ont subi d’horribles naufrages, par exemple un bateau le 7 décembre 2022 et un autre le 7 février 2023. Nous rendons hommage à tous ces gens, à celles et ceux à qui nous avons peut-être pu parler au téléphone, ou à celles et ceux que nous avons pu croiser une fois dans la rue, que nous connaissions ou non, dont nous avons vu les visages souriants sur les photos que nous avons reçues de leurs familles. Vous êtes toujours avec nous. Vous ne serez pas oublié.es.

CommémorAction à Laayoune les 4 et 5 février. La route de l’Atlantique est l’une des routes migratoires les plus meurtrières au monde. Source: Alarm Phone

En collaboration avec deux autres associations, ADIPROS et ARSEREM, l’équipe de Laayoune Alarm Phone a organisé deux journées Commémor’Action les 4 et 5 février au centre Caritas de la ville. De nombreux membres de différentes communautés se sont réunis pour commémorer, prier et rendre hommage aux nombreuses personnes disparues et mortes en mer sur la route de l’Atlantique et ailleurs. Des membres de la famille étaient également présents et ont témoigné de leurs expériences et de leur douleur. Une personne, par exemple, pleurait sa femme tandis qu’une autre parlait de leur fille de cinq ans perdue en route vers les Canaries.

Des discussions politiques ont également eu lieu sur le caractère létal de la route de l’Atlantique, et un groupe de travail a été mis en place pour la recherche et l’identification des disparu.es et des mort.es. D’autres débats ont été organisés sur le thème de la sécurité en mer et de l’importance de toujours vérifier les prévisions météorologiques avant de voyager. Les représentant.es des différentes communautés ont une fois de plus souligné la manière dont les droits humains sont bafoués dans la région. La Commémor’Action était un puissant appel à la dignité humaine et à la nécessité de faire front commun, de se soutenir mutuellement dans notre deuil et notre combat.

Aux Canaries, depuis des années, certain.es activistes ont pris l’habitude de la CommémorAction et ont essayé de soutenir les familles des disparu.es et des mort.es. Sur Fuerteventura, l’association EntreMares organise une petite action commémorative sur une place publique à Puerto del Rosario chaque fois qu’il y a un naufrage sur la route de l’Atlantique. Sur Gran Canaria, il y a une plaque commémorative autour de laquelle les gens se rassemblent parfois après un naufrage. A Lanzarote, le Red de Solidaridad aide à enterrer les mort.es dans la petite section musulmane du cimetière de Teguise. Les activistes et les habitant.es tentent de garder visibles les inscriptions sur les pierres tombales improvisées et viennent parfois déposer des fleurs sur les tombes. La plupart des mort.es n’ont pas pu être identifié.es, et leurs tombes portent des noms tels que « Numéro 3 sans papiers ». D’autres corps ont été identifiés et enterrés sous leurs noms, notamment les victimes de trois naufrages, l’un le 6 novembre 2019 (Caleta Caballo), l’autre le 24 novembre 2020 et l’autre le 17 juin 2021 (Órzola).

Pierre tombale dans le cimetière de Teguise à Lanzarote, où la tombe a été marquée comme « sans papiers ». Source: Activiste

2.2 « Migrer pour vivre, pas pour mourir », Dakar, Sénégal

Le 6 février 2023, près de 200 personnes se sont réunies face à l’océan, dans la ville de Thiaroye-sur-Mer, au Sénégal, pour rendre hommage aux personnes disparues ou décédées le long des routes migratoires, et pour s’informer mutuellement sur les acteurs politiques responsables de ces décès.
L’événement était organisé par Boza Fii, une association de personnes qui sont retournées au Sénégal, et Alarm Phone Dakar, en collaboration avec l’Association des Jeunes Rapatriés de Thiaroye-sur-Mer (AJRAP) et l’Association Ben Thiaroye-sur-Mer. Parmi d’autres associations, Migration Control, Énergie de Droits Humaine Senegal, Sama Chance, Village du Migrant, la Municipalité de Thiaroye, Alarm Phone Marseille, la présidente du Réseau des Femmes de Thiaroye et des journalistes de CQFD Marseille ont participé à cet évènement. Iels ont contribué à la construction d’alliances contre un régime frontalier mortifère.

« Il est important de multiplier ces initiatives pour que la population comprenne exactement ce qui se passe », a déclaré un participant, saluant le travail de Boza Fii et le fait que la jeunesse sénégalaise s’organise pour changer la situation.

« Beaucoup de gens au Sénégal ne comprennent pas vraiment ce qui se passe dans les régions frontalières », a expliqué plus tard Saliou, le président de Boza Fii. “Il était vraiment important de montrer la reconstitution vidéo de ce qui s’est passé lors du massacre de Melilla en juin 2022”, a fait remarquer Ibrahim, un des principaux organisateurs de Boza Fii.

« C’est une mort forcée. C’est organisé », a expliqué l’équipe de Boza Fii. « C’était émouvant. Ils ont enfin compris », raconte Ibrahim. « C’est vraiment un massacre. »

« Beaucoup pensent que les gens prennent des risques, qu’il s’agit d’une migration clandestine, d’une migration irrégulière, et qu’ils n’ont qu’à rester dans leur pays », explique M. Saliou. « C’est ce que disent beaucoup de politiciens. Mais c’est cette idéologie que nous voulons remettre en cause. »

L’équipe a montré des déclarations du président espagnol immédiatement après le massacre et des vidéos des interventions publiques ultérieures de certains ambassadeurs africains, y compris les ambassadeurs du Tchad et du Cameroun au Maroc. Ils ont disculpé les autorités marocaines et espagnoles, et ont rejeté la faute sur les personnes qui ont tenté la traversée.« Nous devons comprendre, dans notre pays, comment nous sommes représenté.es à l’étranger », a déclaré M. Saliou. « Il est vrai que nous ne pouvons pas faire le travail du gouvernement. Mais nous pouvons dénoncer ce qu’ils font, pour que les choses s’améliorent à l’avenir.

Après le déjeuner, les participant.es ont marché jusqu’à la plage voisine. Aïda Thiam, de Boza Fii, a lu l’appel pour la justice, la vérité et les réparations, puis ont suivi plusieurs événements de commémoration.

Awa Ba, qui a perdu son fils Mamadou Ndiaye après qu’il ait tenté de se rendre en Europe, a expliqué comment elle s’est adressée aux autorités compétentes pour savoir ce qu’il était advenu de son fils. Elle a demandé aux autorités de rechercher son fils. Jusqu’à présent, les autorités n’ont rien trouvé. Elle a expliqué qu’elle continue à se rendre à des rassemblements pour demander des informations et exiger des actions. Ensuite, chacun a prié en silence selon ses propres croyances, puis les participant.es ont jeté ensemble des fleurs dans l’océan et ont regardé les vagues les emporter.

« Cet événement n’a pas été facile », a déclaré Ciré. “Mais nous sommes déjà engagé.es. Nous ne pouvons pas laisser tomber ». Il a résumé le sentiment de la discussion de clôture par ces mots : « Voici où nous en sommes. La lutte continue. »

CommémorAction Dakar, 5 février 2023. Source: Boza Fii

CommémorAction Dakar, 5 février 2023. Source: Boza Fii

CommémorAction Dakar, 5 février 2023. Source: Boza Fii

2.3 Tanger, Maroc : débat public, cérémonie du souvenir privée

Le 5 février, l’équipe d’Alarm Phone Tanger a organisé un débat public sur le thème de la CommémorAction, en collaboration avec l’association marocaine Chabaka et avec le soutien du Conseil des Migrants Subsahariens au Maroc (CMSM), de Pateras de la Vida Larache, et de l’Association Marocaine des Droits Humains (AMDH) Nord.

En créant cet évènement, les membres d’Alarm Phone et de Chabaka ont souligné comment, en commémorant et en demandant que justice soit faite pour les terribles évènements du 6 février 2014, nous avons également d’autres opportunités : celle de mettre en débat , plus largement, la violence aux frontières ; celle de nous souvenir de ceux et celles que nous avons perdu·es, celle de débattre des réponses à donner. « Ce jour est devenu un symbole », a souligné un camarade marocain dans l’assemblée. « Ce jour-là, la violence des contrôles aux frontières, souvent plus dissimulée, était visible par tous et toutes au grand jour. »

« Chaque jour il y a une tragédie”, a remarqué un militant camerounais. C’est un très grand jour pour moi, je ne peux pas l’oublier”, a ajouté un participant venu de Nador.

Bien que la pratique de la commémoration du 6 février 2014 ne soit devenue une pratique internationale de CommémorAction qu’en 2018, Boubker, militant marocain bien connu, fondateur de Chabaka, considère qu’elle s’inscrit dans une histoire longue. Il décrit des épisodes antérieurs de violence aux frontières et de résistance, par exemple les caravanes que Chabaka a organisées chaque année pendant neuf ans suite au massacre de 2005 à Ceuta. “Aujourd’hui, nous [les mouvements de solidarité avec les migrant.es] sommes très faibles par rapport à cette époque.

L’entretien est passé de l’hommage à celles et ceux que nous avons déjà perdu.es à une lutte tournée vers l’avenir pour la justice, la vérité et les réparations. “Nous devons travailler ensemble”, ont répété les camarades sénégalais.es, camerounais.es et marocain.es. Ils et elles ont souligné la manière dont les réseaux de solidarité informels et les organisations officiellement enregistrées pouvaient utilement coopérer, afin d’assurer l’interface entre les communautés mobiles et les institutions de l’État.

Les familles des disparu.es et des mort.es ont hésité à participer à cet événement public – tout comme beaucoup hésitent à soumettre des demandes d’information officielles – par crainte des récriminations politiques, de la douleur émotionnelle que cela implique, ou des deux. “Il est très important que les familles connaissent leurs droits”, insiste Hassane, président de l’Association Aides des Migrants en Situation Vulnérable AMSV Oujda Maroc « Avant, elles n’avaient pas le droit de faire ces demandes, mais maintenant elles l’ont. Il faut donc qu’elles le sachent ». Il explique que son organisation crée également des espaces de soutien où les familles peuvent simplement se rencontrer et comprendre qu’elles ne sont pas seules. Les membres de différentes associations communautaires subsahariennes ont expliqué comment ils procédaient de la même manière.

Une participante sénégalaise lève la main : « Est-ce que vous vérifiez les prisons de temps en temps ? Parce que quand il y a quelqu’un à Tanger qu’on ne voit plus, on dit souvent qu’il est perdu en mer. Mais ils ne sont pas dans l’eau, ils sont en prison ». Un ancien détenu présent dans l’assistance confirme : « Il y a des gens [en prison] qui vivent avec… [un] faux nom – pour un an, pour dix ans”. Il raconte que des personnes étaient emmenées directement du bateau, sans que personne ne leur rende visite. Seuls les membres de la famille ont le droit de rendre visite à une personne incarcérée par le Royaume du Maroc, explique-t-on. Cela complique la tâche des personnes originaires d’autres pays africains incarcérées au Maroc, car il est peu probable que les membres de leur famille puissent obtenir un visa pour le pays.

Un participant camerounais reconnaît des visages sur les photos des disparu.es ou des mort.es affichées au mur, et souligne l’importance de l’événement et la nécessité de faire venir encore plus de monde à l’avenir.

CommémorAction à Tanger, 5 février 2023. Source: Alarm Phone

Cérémonie du souvenir privée à Tanger. Source: Alarm Phone

2.4 Ceuta, enclave espagnole : La marche pour la dignité

Samedi 4 février, 200 personnes sont venues du monde entier pour se réunir dans l’enclave espagnole de Ceuta. Elles ont marché jusqu’à la plage de Tarajal, le lieu où, en 2014, les gardes-frontières espagnols ont tiré des balles en caoutchouc et lancé des gaz lacrymogènes sur un groupe d’environ 200 personnes dans l’eau, tuant au moins 14 d’entre elles. Les organisateurs de la Xème Marche pour la Dignité ont recueilli les signatures de plus de 252 organisations qui demandent justice, vérité et réparations. À l’université, l’analyste en géopolitique Sani Ladan, l’avocate Patricia Vicens, le journaliste Youssef M. Ouled et le militant Soda Niasse, de Ceuta ont débattu de la signification des décès, du racisme, des réactions des autorités, et de la notion de génocide progressif. Sous le soleil, les participant·es ont scandé « Justice » en marchant en ligne régulière. Sur la plage, iels ont formé un cercle et allumé une bougie pour chacune des personnes décédées.

La marche de la dignité. Source: @centre_IRIDIA

Bougies allumées sur la plage de Tarajal. Source: @marchatarajal

2.5 Dans la région de Nador : la répression continue

AP Nador/Berkane a commémoré avec l’association Mouvement Uplift Africa, sur la plage du Cap-de-l’Eau, avec des discours, des banderoles et des fleurs. Malheureusement, sans surprise dans cette région, les militant·es ont été observé·es par la police et ont été emmené·es au poste de police local, où iels ont dû subir une enquête pendant quelques heures. Heureusement, iels ont toutes et tous été relâché.es à la fin de la journée.

CommémorAction à Cap-de-l’Eau. Source: Mouvement Uplift Africa

2.6 CommémorAction à Oujda

Pour la neuvième CommémorAction à Oujda de la tragédie de Tarajal, l’équipe locale d’AP a organisé plusieurs activités en présence de familles de disparu.es, de militant·es des Droits humains, de journalistes et d’autres membres d’ONG et d’associations locales.

La première activité s’est déroulée samedi 4 février au Centre de la Confédération Démocratique du Travail à Oujda, sous le titre « De la tragédie de Tarajal à la tragédie de Melilla ». La discussion s’est articulée autour de trois axes. Le premier portait sur la souffrance psychologique des familles de disparu.es et traitait des troubles psychologiques qui affectent les parents et les autres membres de la famille ainsi que du manque de soutien psychologique dans ces cas. Le deuxième axe concernait la tragédie de Melilla le “vendredi noir” et la souffrance des migrant.es lors de l’intervention de la gendarmerie marocaine. Il a également été question de l’arrestation de certaines personnes qui ne pouvaient ni traverser ni fuir. Enfin, le troisième axe portait sur le rôle des médias dans les questions migratoires. Après les discussions, les participants ont allumé 50 bougies en mémoire des victimes des massacres de Tarajal et de Melilla.

La seconde activité, le 5 février, était un débat, dans un groupe composé de jeunes Marocain·es et migrant·es de tous genres, qui ont discuté de la problématique migratoire et ont partagé leurs opinions sur les massacres de Tarajal et Melilla. Iels ont aussi parlé du racisme dans la ville d’Oujda.

CommémorAction à Oujda. Source: Alarm Phone

3 Traversées maritimes et statistiques

Selon les statistiques du HCR, 6 554 personnes sont arrivées en Espagne entre le 1er novembre 2022 et le 28 février 2023. Au cours de la même période, Alarm Phone a été impliqué dans 51 cas, dont 29 appels provenaient de la région atlantique, 11 de la mer d’Alboran et 11 de la route algérienne. Selon les personnes qui nous ont alerté.es, les bateaux transportaient au moins 2 036 hommes, 233 femmes et 67 enfants, soit un total de 2 336 personnes.

22 des bateaux pour lesquels Alarm Phone a été contacté ont été secourus par le Salvamento Marítimo, neuf ont été interceptés par la Marine Royale marocaine, quatre bateaux sont rentrés par eux mêmes sans assistance et au moins trois bateaux ont terminé le voyage par leurs propres moyens. Fait relativement nouveau : dans au moins quatre cas, des navires marchands ont été impliqués dans des opérations de sauvetage. Ils ne se sont pas toujours conformés aux accords internationaux. Un exemple pour illustrer cela est le cas du 12 février, où le navire marchand Santa Isabel du groupe Maersk a ramené 47 personnes en détresse au Sahara occidental, ignorant ainsi l’obligation de débarquer les naufragé.es dans un port sûr et violant le principe de la Convention sur les Réfugié.es selon lequel un demandeur ou une demandeuse d’asile ne doit pas être renvoyé.e dans un endroit où iel peut être en danger. Il est essentiel que les autorités SAR et les navires marchands prennent en compte les droits des personnes en tant que réfugié.es lors de l’attribution d’un port de débarquement. Malheureusement, le sort de nombreuses personnes reste incertain. Par exemple, 53 personnes ont quitté Tan-Tan au début du mois de décembre. Elles ont été perdues en mer pendant deux semaines. Trois survivants ont été retrouvés sur les falaises de Tantan. Les 50 autres personnes sont toujours portées disparues.

Nous sommes tristes et en colère à cause des trois naufrages dont Alarm Phone a été témoin. Ils ont fait au moins 100 morts et 101 personnes sont toujours portées disparues.

Ces naufrages ne sont qu’une partie des tragédies qui se produisent plus ou moins quotidiennement sur les routes de la Méditerranée occidentale et de l’Atlantique. Le projet Missing Migrants -Migrant.es Disparu.es- de l’OIM estime que les routes de la Méditerranée occidentale et de l’Atlantique en 2022 sont si meurtrières qu’elles représentent un peu moins de 20 % de tous les décès de personnes en déplacement dans le monde. Caminando Fronteras estime à 2 390 le nombre de personnes décédées l’an dernier sur le chemin de l’Espagne, ce qui représente plus de 6 morts par jour. Avec 1 784 personnes décédées sur la seule route de l’Atlantique, cette route reste l’une des plus meurtrières au monde.

Nos pensées et notre solidarité vont aux familles et aux ami.es de toutes les personnes qui sont mortes au cours de leur voyage ou qui sont toujours portées disparues. Nous commémorons les mort.es et les disparu.es. Nous commémorons Chahira, Boudjrada, Belkada, Ayoub, Abdou, Reda, Rasim, Daimi, Anayis, Lotfi, Djalal, Lilia, Ryad, Laoulou, Islam, Benachir, Mohamed, Aiman, Hamid, Hanan, Abderramin, Ismail et toutes celles et ceux dont nous ne connaissons pas encore le nom.

4 Mises à jour des différentes régions

4.1 Route de l’Atlantique

Les deux derniers mois de l’année 2022 n’ont pas vu autant de personnes traverser vers les îles Canaries que les mois de novembre et décembre des années précédentes. Au total, 15 682 personnes sont arrivées par la route atlantique en 2022, alors qu’elles étaient environ 22 000 en 2020 et 2021. En ce qui concerne le début de l’année 2023, entre le 1er janvier et le 19 février dernier, 1 649 personnes étaient déjà arrivées aux Canaries. La première semaine de février a été particulièrement chargée. À toutes ces personnes, nous disons bienvenue en Europe !

Bien qu’il y ait généralement moins de bateaux en provenance de pays plus éloignés comme le Sénégal ou la Mauritanie, certain.es tentent tout de même leur chance. Un bateau transportant des personnes originaires de Gambie a fait naufrage en décembre, entraînant la mort de 12 personnes. Un bateau parti de Mauritanie a été intercepté juste après son départ par les autorités mauritaniennes. Cependant, un grand bateau transportant 162 personnes a atteint El Hierro, la plus occidentale des îles Canaries, à la fin du mois de novembre. Une autre histoire très remarquable est celle de l’arrivée de trois personnes qui ont bravé le long voyage depuis le Nigéria sur le gouvernail d’un cargo et qui ont survécu.

Un développement inquiétant dans la région est la reprise possible des déportations des îles Canaries vers le Sénégal. Un vol d’expulsion en provenance de l’Espagne continentale a fait escale aux Canaries pour récupérer plus de 15 détenus du centre de détention de Gran Canaria. Ils ont été expulsés vers Dakar le 14 février. Cette mesure a été prise à la suite d’une réunion tenue le 26 janvier entre les ministres des affaires étrangères du Sénégal et de l’Espagne.

4.2 Nador – Melilla

Les raids sur les camps de migrants improvisés, les arrestations et les expulsions arbitraires vers le sud continuent d’être une réalité brutale à Nador et dans ses environs.

Le 24 juin, au moins 40 personnes ont été tuées par des gardes-frontières marocains et espagnols alors qu’elles tentaient de franchir la frontière vers Melilla à Barrio Chino. Pour plus de détails, voir par exemple notre dernier rapport, un documentaire de la BBC, un rapport d’Amnesty International et un rapport de Caminando Fronteras.

Les procès contre plusieurs groupes de personnes, principalement originaires du Tchad, du Soudan et du Sud-Soudan, prises comme boucs émissaires et poursuivies pour ces événements, sont toujours en cours. Le 17 novembre, la Cour d’appel de Nador a alourdi la peine d’un groupe de 14 personnes initialement condamnées à 8 mois de prison à 3 ans d’emprisonnement. Le 9 janvier, la Cour d’appel a également porté la peine d’emprisonnement de 13 autres personnes (2 Tchadiens et 11 Soudanais) de deux ans et demi à trois ans. Et le 6 février, le dernier verdict d’appel a été rendu par la Cour de Nador, condamnant 3 détenus à 4 ans d’emprisonnement. Pendant ce temps, de l’autre côté de la méditerranée, l’enquête du bureau du procureur espagnol sur les vrais coupables “n’a trouvé aucune preuve qu’un quelconque acte répréhensible ait été commis au niveau du comportement des forces de sécurité espagnoles”. Le ministre espagnol de l’intérieur, M. Grande-Marlaska, a lui aussi nié qu’il y ait eu des mort.es ou des blessé.es négligé.es du côté espagnol de la frontière. Néanmoins, une enquête médico-légale détaillée menée par Lighthouse Reports a mis au jour de multiples abus de la part de la Guardia Civil et des autorités espagnoles.

Des familles soudanaises continuent de contacter l’association de défense des droits de l’homme AMDH Nador pour rechercher leurs enfants disparus depuis la tragédie (79 personnes seraient portées disparues). AMDH Nador continue de publier des photos des disparu.es sur sa page Facebook, en essayant d’atteindre les communautés de migrant.es pour trouver des informations sur leur sort.

Au moins, la bonne nouvelle est que le centre de détention illégal d’Arekmane, tant détesté et tant combattu, a finalement été fermé. L’AMDH Nador a mené un long combat pour sa fermeture, car les détenus y étaient enfermés dans des conditions illégales. Le centre sera désormais à nouveau utilisé pour sa fonction première, à savoir un centre de sports et de loisirs pour les jeunes.

Les traversées maritimes des communautés noires africaines de Nador semblent avoir repris. Nous avons assisté à l’arrivée de deux bateaux le 13 janvier. Le premier transportait 45 personnes, dont, selon la classification de l’opf Emergencias Frontera Sur Motril, trois enfants et deux mineurs. Le second bateau comptait douze personnes. Il était composé de cinq enfants, quatre femmes et trois hommes, selon la classification d’Helena Maleno. Les deux groupes ont embarqué à Nador et sont arrivés à Motril. La veille de Noël, 30 Africain.es noir.es (16 femmes et 14 hommes) sont arrivé.es sur l’île espagnole de Chafarinas, au large de Nador. Ils et elles ont été transféré.es à Melilla deux jours plus tard. Il s’agit d’une nouvelle étonnante : par le passé, les arrivées sur les îlots espagnols avaient tendance à se conclure par des refoulements illégaux vers le Maroc. Le 5 février également, un bateau transportant 36 passagers (24 hommes, 10 enfants et 2 femmes) est arrivé sur l’île inhabitée d’Alborán. Comme celles et ceux arrivé.es à Chafarinas, ces voyageuses et voyageurs ont été conduit.es dans une partie habitée de l’État espagnol (Source et classification : AP Nador). Boza ! [Boza est le mot (bambara) utilisé par toutes les communautés de départ pour célébrer une arrivée réussie en Europe].

Les ressortissant.es marocain.es ont continué à traverser, à la fois vers l’Espagne continentale et vers Melilla. La grande majorité des citoyen.ne.s marocain.e.s, comme celles et ceux du sud du Sahara, doivent maintenant traverser par bateau ou sauter la clôture pour se rendre à Melilla, car le poste-frontière officiel leur a été fermé. Les autorités marocaines ont réagi par une répression sévère. Après qu’un groupe de harragas marocains ait tenté de sauter la clôture la veille du Nouvel An, les autorités de Nador ont arrêté une quarantaine de jeunes. Ils ont été placés en détention, malgré l’absence d’autorisation judiciaire, avant d’être déplacés de force par bus vers l’intérieur du Maroc.

4.3 Oujda et la zone frontalière algérienne

De nouveaux décès ont été signalés par l’Association Marocaine des Droits de l’Homme (AMDH) Nador dans la zone frontalière algéro-marocaine. Le 14 décembre 2022, six (ou selon certains comptes sept) corps sans vie ont été retrouvés dans la région de Ras Asfour, du côté marocain. Les corps ont été enterrés dans le cimetière de la ville de Jeralda si rapidement qu’ils n’ont pas pu être identifiés. L’AMDH s’interroge :

“Comment est-il possible que six migrants meurent tous en même temps dans un endroit où il fait froid, mais à une courte distance d’une zone résidentielle marocaine et de postes de contrôle de l’armée marocaine? Pourquoi s’est-on empressé d’enterrer les corps sans permettre aux représentants des ambassades de Guinée et du Tchad de les identifier ?”

Le 25 janvier 2023, deux autres corps ont été retrouvés et enterrés dans le même cimetière.

Dans un post Facebook, l’AMDH Nador parle de “morts en série”: huit personnes en moins de 35 jours. L’association met en cause la politique marocaine d’expulsion. Le procureur de la République a ouvert une enquête fin janvier 2023.

La cimetière de Jeralda. Source: AMDH Nador

Les méthodes utilisées pour maintenir cette frontière fermée mettent en danger la vie des personnes en déplacement. Driss Elaoula, militant local de l’AP, explique que la région est très hostile pour les personnes en déplacement : des conditions climatiques difficiles, mais surtout une frontière rendue manifeste par une haute clôture en fer faite pour blesser les personnes qui tentent de l’escalader. Du côté algérien, une fosse dangereuse a été creusée avec des trous de 8 m de profondeur et de 4 m de largeur. En hiver, ces fosses sont souvent remplies d’eau et les personnes qui tentent d’escalader la clôture peuvent tomber dedans et mourir de froid ou se noyer.

À Oujda, l’association Aides Aux Migrants en Situations Vulnérables (AMSV) s’efforce d’identifier les morts et d’organiser les funérailles. L’association a identifié et enterré 49 personnes au cours des cinq dernières années.

En ce qui concerne la situation des personnes en exil à Oujda, les activistes locales et locaux d’AP signalent de nombreuses arrivées dans la ville, principalement par la frontière algérienne. Ces personnes partent généralement directement vers Nador. La même source nous dit qu’au cours des derniers mois, de nombreux mineurs guinéens sont arrivés à Oujda et ont été contraints de mendier dans les rues.

5 Morts et disparitions

Le 22 novembre, un bateau avec 10 personnes chavire et coule au large de Gran Canaria ; une seule personne survit, accrochée à des jerrycans.

Au cours de la première semaine de décembre, 12 personnes meurent pendant le voyage entre le Sénégal et les îles Canaries. Les 7 survivants sont secourus par la marine marocaine.

Le 7 décembre, Alarm Phone est alerté de la présence d’un bateau avec 53 passager.es. Comme les autorités marocaines ne répondent pas à notre alerte, seules 3 personnes survivent. Elles sont retrouvées près des côtes de Tan-Tan 14 jours plus tard.

Le 9 décembre, les autorités espagnoles récupèrent un canot pneumatique au large de Murcie et récupèrent 3 cadavres et 6 survivant.es. 5 autres personnes sont toujours portées disparues.

Le 10 décembre, la Guardia Civil récupère le corps d’un jeune ressortissant marocain au large de Benzú. Il avait tenté de rejoindre Ceuta à la nage.

Le 14 décembre, six ou sept corps (le nombre diffère selon les sources) sont retrouvés dans la forêt de Ras Asfour, près d’Oujda, à la frontière avec l’Algérie.

Le 15 décembre, la Guardia Civil retrouve le corps d’un autre jeune homme qui s’est noyé au large de Ceuta.

Le 16 décembre, un corps est retrouvé du côté espagnol de la clôture frontalière qui sépare le territoire marocain de Ceuta. L’homme est mort, probablement après avoir sauté la clôture.

Le 22 décembre, les cinq survivant.e.s d’un bateau de 46 passager.es sont ramené.es à Asfi, au Maroc. L’un des survivants décède plus tard à l’hôpital. Le bateau a passé 13 jours en mer. Certaines sources parlent même de 60 passager.es.

Le 30 décembre, 24 personnes sont sauvées d’un naufrage par les autorités marocaines et ramenées à Mirleft. Il y aurait eu environ 40 passager.es. Début janvier, les autorités font état de huit disparu.es et de 15 décès confirmés.

Le 4 janvier, un cadavre est retrouvé sur une plage de Fuerteventura. Un deuxième corps est retrouvé le lendemain. Bien que cela ne puisse être confirmé, les deux personnes se sont probablement noyées en essayant de traverser vers les îles Canaries.

Le 5 janvier, Alarm Phone est alerté sur un bateau de 80 à 90 personnes qui a quitté le Sénégal deux semaines plus tôt. Quelques jours plus tard, nous apprenons que le bateau a été retrouvé et que les survivant.es ont été emmené.es au Cap Vert. Les survivant.es nous disent que 5 personnes n’ont pas survécu au voyage.

Le 14 janvier, les autorités capverdiennes sauvent 90 personnes perdues et à la dérive depuis 25 jours. Deux personnes meurent malgré le sauvetage.

Le 19 janvier, le corps d’une personne est rejeté sur une plage de Fuerteventura. On ne sait pas exactement quand cette personne est décédée et si son décès est lié à un naufrage.

Le 25 janvier, deux corps sont retrouvés dans la zone frontalière entre l’Algérie et le Maroc ; ils sont enterrés dans le cimetière de Jeralda, au Maroc.

Le 31 janvier, quatre personnes sont tuées dans un accident de la route. Les autorités marocaines poussaient 52 personnes en déplacement vers Laayoune lorsque le bus s’est renversé dans la région de Tata.

Le 5 février, le corps d’un jeune ressortissant yéménite est retrouvé à Ceuta. Il avait disparu en mer six jours plus tôt.

Le 7 février, Alarm Phone est – entre autres – alerté sur un bateau qui a quitté Tan-Tan le 5 février avec 46 personnes. On apprendra plus tard qu’elles ont été recueillies par un bateau de pêche. Il y a 43 survivant.es. 3 personnes sont portées disparues, présumées mortes.

Le 8 février, 43 personnes sont secourues par le Salvamento Marítimo, certaines présentant de graves signes d’hypothermie. Au moins 8 personnes sur le même bateau étaient déjà décédées.

Le 10 février, un bateau de pêche recueille 31 personnes et les amène au port d’Al Marsa, près de Laayoune. Selon Helena Maleno, le bateau était parti le 4 février de Tan-Tan avec 65 personnes à bord, ce qui signifie que 34 personnes ont perdu la vie en mer.

Le 10 février, un autre naufrage a lieu près de Boujdour. Selon Helena Maleno, 36 des 56 passager.es sont mort.es en mer, laissant 20 survivant.es.

Le 12 février, le Salvamento Marítimo sauve 23 survivant.es d’une embarcation perdue en mer depuis 9 jours. Six personnes perdent la vie.